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Sans colorants ni conservateurs
17 octobre 2006

Salut à toi.

pirate

Lundi 18h, La Vilette.

Avant d'entrer dans le grand batiment, je m'arrète une seconde pour regarder. Juste là, cet endroit là, sur le côté. Flash back. Je remue rapidement mes cheveux et cligne trois fois des paupières, nous entrons.

La salle est plus petite que ce que j'imaginais. Salut à toi, Zénith ! Salut à toi?

Sensations retrouvées. Les odeurs, les lumières, les visages. Nous sommes tous là, peuple assoifé de notes. Je retrouve dans mon ventre, la flamme qui chatouille, celle qui m'a toujours fais serrer un peu les poings, fermer un peu les yeux, marcher un peu plus vite, vouloir changer le monde.

Marcel débarque et fait jouer son Orchestre, fidèles à eux mêmes, les perruques, les robes un peu trop kitch sur leurs poitrines viriles, le ridicule brandi en étandard, les lunettes noires, les talons aiguilles, les robes de chambres, les perruques blondes. Ouais, je retrouve mes fous rires d'avant. Parce que l'air de rien, devant ce groupe de travestis du dérisoir, les briquets s'allument et les flammes dansent avec un romantisme décalé que j'îdolatre toujours autant.

Le temps peut bien s'arreter, ça ne me dérange pas le moins du monde.

Les Ogres dégainent le violon, l'accordéon, et là sortis de nulle-part : Guizmo, Mali, Manu et Danielito. Surprise. J'ai le ventre qui se réchauffe encore un peu plus. Toute ma jeunesse! Il y a déjà trop de monde sur scène quand Léo vient me retourner les tripes avec ses Hurlements, et plus rien n'existe à part ça.

Les instruments s'emmèlent, s'enlacent, les paroles ne s'oublient pas, les voix ne sont que trop familières, et tout à coup. Je regarde par terre, des dizaines de paires de jambes dansent sur le sol un peu luisant. Non. Attendez. Il y a des robes, de grandes robes de soirées qui trainent sur le sol, une lumière dorée qui vient carresser le tout, et je regarde les pieds qui valsent dans leurs pantoufles de verres, leurs chaussures cirées, leurs pantalons bien repassés. Nous avons voyagé : Nous sommes au bal des fantomes. Non, attendez, je lève la tête. Des poings sont levés, des cris, des rires, des yeux qui scintillent, des centaines et des centaines comme ça, dans une lumière bleutée, à travers la brume. Mutinerie ! Nous sommes sur le Galion noir. Et ça joue, ça joue ! Des jeunes en galère, qui trafiquent la misère ! C'est l'alchimie des mondes.

En apnée dans mes souvenirs, je pense à avant, tout en me laissant voltiger dans les pogos, tout en me prenant des coups, le sourire au lèvres je pense au temps ou on était Deux amis pour qui tout colle sans problèmes ni tracas ! Non rien ne changera, non je vais pas laisser filer ça.

La Phaze nous balance Inside My Brain comme un bouquet final, et je loupe le dernier métro. Me retrouve à suivre des inconnus chevelus, partager un peu de leurs sourires. Prendre un bus, puis un autre, se perdre, marcher, voir les heures défiler. Un taxi passe et je me surprens à l'interpeller. Alors c'est ça Paris? Une voiture avec un écriteau lumineux jaune sur la tête, on fait un signe, et c'est bon? Ouais. Ou presque.

Il est 2h45 quand je pousse la porte blanche de l'appartement, il y a de la lumière. Raymond prépare des pates.

Ouais, parlons de Raymond.

Raymond est ce genre de type qui ne s'appelle pas vraiment Raymond de naissance mais qui ne pourrait pas s'appeler autrement. Raymond est ce genre de personne qui s'est trompé d'époque, pas à sa place dans ses Converses, soulieteux, comme il dit. Il a des jambes trop grandes. Raymond c'est un jeune qui aimerait être un vieux. Alors il porte des pull-over sans couleurs, et des pantalons serrés qui le rendent encore plus grand. Il fait pas éxprès, il aime pas sa generation. Raymond il écoute de l'opéra, sa plus grande idôle c'est Klaus Nomi, et personne connait Klaus Nomi, à part Raymond. Raymond écoute Charles Trenet et Bobbi La Pointe toute la journée. Parfois le soir il met pour moi, une chanson de Barbara.

Raymond est ce genre de personne agoraphobe au possible, qui supporte mal, l'alcool et la foule. Nos soirées de jeunes gens insoucients le font rire, et il observe non sans consternation le spectacle de nos délires alcoolisés, en fredonnant l'hymne à l'amour.

Parfois au milieu de la nuit il dit "je vais faire un tour", alors il enfile sa veste de Willy Wonka, et puis quand il revient moi je dors. Parce que qand il va faire un tour il fait jamais semblant, Raymond il peut aller jusqu'à la tour Montparnasse à pied, marcher pendant quatre heure l'indiffère.

Lorsqu'il n'y a plus rien à manger dans les placards, Raymond trouve toujours une astuce. Le repas de ce soir? Pain perdu et bananes.

Le soir moi je file sous ma couette et lui il file sous la sienne, ensuite je dis "Bonne nuit Raymond", lui répond "Bonne nuit ma douce". S'en suit une ou deux minutes de silence, que l'on finit toujours par troquer contre quelque conversation sans queue ni tête. C'est un rideau rouge qui sépare nos deux chambres. Je regarde le plafond, je suppose que lui aussi. "-J'pense qu'on est une équipe qui gagne. -J'ai froid au pieds." Là, sans rien ajouter, il descend et traficote je ne sais quoi dans la cuisine. Il remonte avec une bouteille de sirop, remplie d'eau bouillante, qu'il met sous ma couette. Puis il retourne derrière son rideau, et il répète : "- Alors, on est une équipe qui gagne oui ou merde?", et j'approuve en riant. Je n'ai plus froid.

J'avais un bracelet de perles ramené de Grèce, les perles ressemblaient à des yeux. Mais il s'est cassé et les perles se sont éparpillés sur le parquet. Quand je suis rentré ce jour là, sur le parquet les perles avaient étées ramassées et à la place il y avait un petit bocal de verre, dans lequel une dizaine d'yeux baignaient dans du sang. "-Comment t'as fais ça? -Un peu d'imagination, et du sirop de cassis."

Le soir on mange sur le canapé orange avec nos assiettes sur les genoux, Jack coure de long en large, attrapant au passage une pate ou un grain de riz dans une assiette. Ensuite la vaisselle sale s'empile et on dit que "de toutes façons il faut que ça trempe", et on reste là sur ce putain de canapé, et on parle, on parle. De nous, et puis des autres. De nos enfances respectives, de nos histoires d'amour foireuses, un peu mais pas trop quand même, on donne jamais de nom. Ou alors on en donne trop, pour brouiller les pistes. On raconte les gens qu'on a croisé dans la journée. Il a vu le voisin au super-marché, le gothique qui écoute Era, il achetait des chips et de la bière, comme toujours. Je lui dis que j'ai vu un gamin dans le métro avec un visage.. Là, il trouve mes mots. "Anguleux? -Oui! Une statue. Comment font certains gosses pour être aussi beaux?", Raymond hausse les épaules. On ouvre un dictionnaire, on lit les définitions, on rit, et le temps passe. Juste comme il faut.

Il est déjà arrivé que je rentre de cours pour trouver Raymond accoutumé de divers robes de vieilles dames, à pois ou à rayures, et d'un bavoir autours du cou. Et Raymond possède des petites fioles avec des drôles de produits à l'interieur. Plus ou moins rares, plus ou moins dangereux. Du mercure, dans un petit pot en verre. Du mercure.

Raymond n'est pas un ami, ça n'est pas quelqu'un que j'ai choisi au milieu de la foule en le montrant du doigt. Raymond il est juste, toujours au même endroit que moi, au même moment que moi. Et c'est un putain de hasard, si on vit sous le même toi.

En dehors de ça? Certains jonglent encore avec les poivrons, moi je me demande ou je vais trouver cet épi de maïs à la con. Je me plains, pour le principe, parce qu'en vrai, même les poivrons je les aime putain. Je zigzague entre une bande platrée et un tube de gouache, un gingembre qui ressemble à un lapin, et une palette de peinture crado; et j'aime ça.

Petit Prince ne lache pas l'affaire, contre vents et marais, il sera présent ce week end. Comme il se doit, juste ces trois là, ceux dont on a plus besoin de prononcer le nom, tant ils sont devenus essentiels à mon organisme. Alors, prenez bien garde à vos chapeaux et à vos lunettes, oyé oyé aventuriers, n'ayez pas peur de vous mouiller.

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Commentaires
N
Et Raymond, il mange de la viande.<br /> Tadaaam.<br /> Bonsoir, Raymond.
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